Présentation du projet :
Penser la pratique du théâtre comme vecteur de l’insertion sociale, c’est le pari pris par le Trident et le Service pénitentiaire d’insertion et de probation de la Manche. La proposition faite aux personnes suivies en milieu ouvert est de rencontrer des artistes et de mettre en mouvement leur corps et leur capacité à créer ensemble. Après Il nous restera ça en 2015, Nos histoires incroyables était le second atelier de ce genre, ouvert également aux résidents de CHRS le Cap et piloté par la compagnie Toutito Teatro.
Le spectacle qui en découle est le fruit de deux semaines d’ateliers d’écriture, de théâtre gestuel et de manipulation d’objets, animées par Thomas Gornet auteur, comédien et metteur en scène, et par la compagnie Toutito Teatro, durant l’été 2016.
La structure culturelle, la compagnie, l'artiste :
Le Trident, scène nationale de Cherbourg-en-Cotentin propose au public de découvrir la richesse et la diversité de la création contemporaine. Que cela soit en théâtre, en danse, en musique ou en cirque.
Toutito Teatro est composée d’artistes venus d’horizons différents (France, Chili et Hongrie) animés par une volonté d’unir dans leurs créations leurs particularités culturelles autour du théâtre visuel et gestuel.
Thomas Gornet est la plupart du temps comédien, souvent auteur et parfois metteur en scène. C'est un homme de dialogues. Il les peaufine, les retravaille jusqu’à ce qu’ils sonnent juste et qu’ils collent au plus près de “ la réalité” de ses personnages.
Le lieu d’accueil :
le Spip de la Manche antenne de Cherbourg est une structure départementale dépendant de l’administration pénitentiaire. Le SPIP est chargé du suivi (insertion et de probation) des personnes condamnées incarcérées (milieu fermé) ou non (milieu ouvert) confiées par l’autorité judiciaire.
Ce diaporama nécessite JavaScript.
3 questions à … :
Emilie Delaunay, cheffe d'antenne du SPIP de Cherbourg
1/ Cette expérience en direction du milieu ouvert a-t-elle été facile à mettre en œuvre ?
Là où, en milieu fermé, il est aisé de connaître le comportement des personnes détenues en collectif, de mesurer leur disponibilité et le degré de leur motivation, du fait de la surveillance constante dont ils font l'objet, c'est moins évident en milieu ouvert où le public est libre.
Une fois le projet culturel communiqué et intégré par l'équipe de CPIP du milieu ouvert, il est nécessaire de déterminer un profil de condamnés à qui proposer le projet. Est alors retenue une liste de personnes dont l'isolement, le manque d'occupation, le manque de confiance en soi est repéré comme facteur de risque de récidive et pour lesquels l'action culturelle peut apporter de nouvelles compétences sociales. C'est ce public là qu'il faut attraper et pour cela, il est nécessaire que le projet culturel soit bien construit. Cette partie est assez chronophage mais nécessaire.
Ensuite, vient le temps de l'action. Le SPIP a pris le parti, dans l'action "nos histoires incroyables", de contacter les personnes absentes à certaines séances pour les remobiliser, comprendre les difficultés, lever les obstacles. Ce fut beaucoup de temps passé au téléphone et sur place pour montrer que l'action est encadrée par le SPIP, faire de la discipline aussi en cas de relâche.
Alors non, l'action n'a pas été facile : il faut du temps pour communiquer, recruter, encadrer et mettre en œuvre.
2/ Comment s’est déroulé ce projet et la relation entre les artistes et les participants ?
Les artistes et les participants se sont rapidement situés dans une relation de confiance et, l'intervention du SPIP, pour les moments où un rappel à la discipline était nécessaire, a permis aux artistes de maintenir cette relation.
L'émotion était palpable à la fin de l'action, au moment de la séparation. Chacun sachant qu'il n'y aurait pas de suite au projet, que tout le monde reprendrait le cours de sa vie.
D'où la nécessité de penser à l'après en amont : l'intégration d'une compagnie de théâtre par les participants, le financement de cours de théâtre, danse, de l'orientation vers des associations culturelles, d'une autre action culturelle à suivre, de places de spectacles, pour ne pas éteindre trop violemment la lumière qui a pu naître du projet.
3/ Quel(s) conseil(s) donner aux CPIP et aux artistes qui voudraient mener un tel projet ?
Construire le projet avec la Direction du SPIP, des CPIP référents et les partenaires culturels au moins 6 mois avant l'action. Déterminer un mode de communication de l'action culturelle aux CPIP, un langage commun, pour les aider sur la manière de présenter le projet aux personnes placées sous main de justice (PPSMJ) et favoriser les candidatures. Prévoir des outils de communications: affiches, flyers pour les PPSMJ. Prévoir une information collective avec les acteurs culturels au profit des potentiels candidats présélectionnés pour donner envie et lever les craintes. Prévoir une commission de sélection où chaque CPIP présente 3 candidats ce qui favorise l'implication de tous les CPIP et augmente le nombre de candidatures. Prévoir une liste de 12 candidats au minimum pour espérer en garder 6 jusqu'à la fin. Prévoir des contrat d'engagement et associer le magistrat. Prévoir l'accompagnement ou la présence du SPIP le 1er jour de l'action, en milieu de période et le dernier jour. Prévoir une action condensée sur une période courte pour éviter la déperdition des PPSMJ inscrites (ne pas laisser plus de 5 jours entre les sessions).