Il y a quelques temps, nous avons reçu un mail de la DIRPJJ Grand Ouest :
Bonjour Monsieur JALTA,
Nous avons le plaisir de vous annoncer que la candidature du CEI a été acceptée pour la manifestation nationale Avenir en Scène : deuxième édition du festival des arts vivants. Un des critères qui a été retenu, au-delà de vos engagements culturels, est votre souhait de participer l’année prochaine en tant « qu’acteurs » à cette manifestation. Vous serez tout de même, considérés comme des membres actifs à cette manifestation puisque les jeunes auront l’occasion de participer aux ateliers proposés.
Ni une ni deux, nous avons soumis l’idée aux jeunes que nous accueillons et en avons eu deux particulièrement intéressés par ce déplacement à Narbonne.
Le voyage :
Nous avons donc pris la route le 06 octobre vers 10h30 avec ces deux jeunes. Nous avons traversé plusieurs départements (on a oublié de compter), nous sommes passés sur la Vilaine, beaucoup de bleds ou de rivières avec des noms rigolos, nous avons franchis plusieurs viaducs dont celui de Millau (malheureusement, il faisait nuit).
Mention spéciale à notre cuisinière pour les succulent sandwichs préparés pour ce long trajet, il n’en restait pas une miette.
Nous sommes finalement arrivés à 22h45 à l’hébergement, les jeunes étaient tout sourire. Après quelques parties de baby-foot, tous les voyageurs sont allés inaugurer leur chambre.
Point fort de ce trajet : Un des deux jeunes a souri et même ri… l’autre aussi bien évidemment
A Narbonne : Avenir en scène jour 1
Le matin du 07 Octobre, après un petit déjeuner et les douches, nous sommes partis découvrir le village bucolique de Peyriac-sur-mer (où se trouvait le logement) avec ses petites ruelles, sa grande place centrale, et la visite de son église.
Nous sommes passés devant une ancienne école où était inscrit une entrée pour les filles et une entrée pour les garçons. Cela a emmené à quelques discussions historiques. Puis nous nous sommes promenés sur l’étang de Doul qui était à l’origine exploité pour son sel. Nous avons pu passer dessus grâce à un ponton mis en place pour les visiteurs. Nous avons même vu des flamants roses (plus très rose) …
Ensuite retour au logement, préparation du repas, et petite visite de Narbonne en attendant le goûter proposé par l’UEAJ de Toulouse disposant d’un food-truck avant de pouvoir assister à la grande cérémonie d’ouverture d’Avenir en Scène.
Parmi les 16 structures de France participantes figurent un petit groupe d’irréductibles Normands… Les seuls du Grand Ouest. « Les Terribles ».
Les organisateurs du festival : ministère de la Culture (DRAC), de la Justice (DIRPJJ SUD), le directeur de la scène nationale du grand Narbonne, et la vice-présidente de la région Occitanie sont fiers de nous présenter ce dispositif qui a pour objectif de laisser place à la créativité et aux émotions des jeunes. De favoriser le « vivre ensemble ».
Chaque équipe doit se présenter devant l’assemblée de 400 personnes (jeunes et professionnels de la PJJ)
Un de nos deux jeunes prend alors son courage à deux mains, le micro et il explique à tout le monde que nous venons de Cherbourg et que nous assistons à cette manifestation pour la première fois en simples spectateurs curieux. Tonnerre d’applaudissements.
Une fois les présentations fai
tes, nous avons le droit à une représentation très immersive d’un duo d’équilibristes qui grimpent sur des branches. Nous sommes tous assis autour d’eux et médusés. C’est assez impressionnant.
Un repas dînatoire sous forme de buffet dans la cafétéria du théâtre est offert par la PJJ. Très apprécié.
Et nous rentrons pour finir sur un jeu de société.
Nos jeunes ont un comportement exemplaire tout au long de la journée qui se démarque parfois des autres invités.
Jour 2 :
Le 08 Octobre, nous participons à un atelier slam avec trois professionnels du rap, un des jeunes du CEI écrit quelques lignes sur sa vie. L’autre est enrhumé et sans inspiration…
On nous propose ensuite d’enregistrer nos productions dans un studio mobile d’enregistrement. L’inspiré a pu se prêter au jeu et poser un couplet.
Nous venons de finir de manger et allons assister à 14h à un spectacle de stand-up. Celui de Théo Askolovitch, « 66 jours » la thématique étant le cancer des testicules. Puis échange avec l’artiste suite à la prestation.
Un food truck était de nouveau présent pour le gouter. Avant de repartir observer les prestations de 3 groupes de jeunes.
- Bordeaux : battle de compliments, inspiré des battles de rap contenders mais version exprimer ses émotions.
- Créteil : vidéo réalisé sur fond vert avec quelques touches d’IA. Pleine de sens. Des traductions défilaient car chaque jeune s’exprimait sur la solitude dans leur dialecte.
- Toulon : projection d’une vidéo avec des illustrations animées représentant les jeunes. Thématique : les cris des voix intérieures.
Après chaque intervention les jeunes échangeaient avec le public de la même façon que les artistes précédents.
Ensuite, nous avons bénéficié d’une pause d’une heure. Nous en avons profité pour remplir la bulle d’expression des jeunes. Deux dessinatrices Johanna et Sonia étaient présentes pour mettre en dessins les paroles des jeunes des 16 structures participantes sur une fresque géante.
À 20h, le spectacle « Prélude » de Kader Attou (Un danseur et chorégraphe français de hip-hop et de danse contemporaine. Il est de 2009 à 2021 le directeur du Centre chorégraphique national de La Rochelle) et sa troupe Cie accrorap ou les moments forts de la vie de l’artiste sont représentés à travers une scenographie trés léchée. Cette représentation a eu lieu dans le grand théâtre avec 900 personnes (spectacle ouvert au public).
Nous sommes ensuite allés manger dans un restaurant traditionnel turc. Les jeunes ont fortement apprécié.
La journée fut assez fatigante et longue pour tous. Cependant, ils ont tenu le coup. (Alors même que l’un de nos « Terribles » était sous rhume à cause de la clim !!).
Ils ont eu un comportement irréprochable et ont même fait des réflexions sur la façon de se tenir d’autres jeunes pas toujours adaptés.
Le retour :
Nous avons rendu les clés de la villa « Effet Mer » vers 10h00 et repris gentiment la route en direction de Cherbourg. Le trajet s’est bien passé. Au moment du déjeuner.
Nous avons remis aux garçons le trophée de participation au festival « Avenir en scène » conçu par des jeunes de l’UEAJ de Perpignan. Ils ne s’y attendaient pas.
La route est longue. L’un dort beaucoup, l’autre est sur son téléphone. Chacun a son tour pour mettre de la musique. Arrivée juste avant 23h30, ils aident à décharger les valises puis vont se coucher la tête remplie d’émotions.
Bilan :
Le premier jeune :
Un peu fermé au début du séjour, il s’est débridé progressivement. L’entente avec le second est très bonne.
Le changement de climat et d’environnement lui font du bien. Il est le premier à remarquer les vignes, décrire cette couleur ocre du pays occitan et l’architecture particulière des bâtisses locales.
Il apprécie les balades autour de l’étang du Doul, le long des quais ou dans le vieux Narbonne.
Il se montre attentif aux différents temps du festival : discours, ateliers, spectacles et rencontres avec les artistes.
Quelques jeunes viennent à lui pour savoir d’où il vient, son âge et ce qu’il va présenter. Ces petites interactions anodines y compris avec d’autres éducateurs et encadrants renforcent son estime de soi.
Il est de plus en plus ouvert et souriant au fil du séjour. Il se permet de poser des questions, il s’intéresse à nous et aux autres, fait des imitations et des blagues. Et il pose même un couplet de rap dans le fourgon studio d’enregistrement qu’il a écrit lui-même.
Il relève la tête, il est fier de lui.
Le second jeune :
Il est très content de sortir du CEI le Bigard et le verbalise régulièrement. Il a besoin de voir autre chose, de « s’évader » et il va être servi. Son sourire qu’il a du mal à dissimuler parle pour lui.
Sur place, il nous surprend en prenant la parole au micro devant un parterre de 400 personnes.
Il répond aux questions des intervenants. Même s’il n’est pas fondamentalement intéressé par les arts vivants, il assiste à toutes les représentations avec une certaine attention.
Il reste cependant très obnubilé par ses deux téléphones.
Il s’en sert pour prendre des photos quand il trouve l’instant mémorable. Mais principalement pour communiquer sur snap du matin au soir. Cela le distrait beaucoup et l’empêche de profiter pleinement du déplacement.
Les seules pauses que nous avons sont les moments de vie : repas, jeux de société, soirées au bnb. Comme si les écrans étaient une carapace ou un doudou en public.
Récit : Thomas Jalta, éducateur au CEI Le Bigard
