#SleepForEarth : écriture sonore particpative de la compagnie Clair Obscur

Depuis 2023, la Cie Le Clair Obscur s’est lancé dans un nouveau projet sous forme de chantier de création participatif : #SleepForEarth.

L'un des ces ateliers participatifs s'est déroulé au Centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe au premier semestre 2025 dans le cadre du partenariat avec la Snat61

L’objectif de #SleepForEarth est de proposer au public une expérience de théâtre immersive créée en 2025.

Le point de départ de cette aventure est un constat écologique : pour permettre à la Terre de se régénérer, il faudrait mettre l’humanité en pause pendant plus de 200 ans. À travers la fiction, #SleepForEarth proposera trois expériences hors du temps : la simulation d’une mise en hibernation du corps (biostase), le réveil 200 ans après accompagné d’une stimulation des sens et de la découverte d’un nouvel environnement puis l’imagination d’une fresque documentaire sur les 300 ans à venir.

Adepte de l’écriture sonore collective, la compagnie imagine un récit choral mêlant narration, échantillons d’actualité (presse, médias…) et interviews pour construire cet univers riche et complexe.

En s’appuyant sur l’idée d’une humanité captive pour sauver la Terre, le spectacle proposera au public de vivre une expérience immersive de privation de liberté.

À partir de ces matières et problématiques travaillées ensemble, la compagnie Le Clair Obscur a donc réalisé des enregistrements des récits collectifs qui ont émergé des ateliers. L’idée est de pouvoir les intégrer à un ensemble plus large de récits, collectés durant l’ensemble des ateliers menés hors-les-murs, avec d’autres publics. Ces enregistrements auront vocation à être diffusés, notamment, lors du spectacle sous forme de conférence gesticulée, de podcasts sonores intégrés dans une exposition sous forme d’installation immersive, ainsi que lors des diffusions par la compagnie dans des simulations de « cocons de stase » immersif installés en divers endroits en France, permettant l’expérience d’un voyage dans un temps plus lointain, ponctué d’intermèdes musicaux thérapeutiques, bulletins d'informations futuristes, extraits de journaux intimes des futurs colons, de messages variés d'encouragements, dans un dispositif son et lumière immersif...

Déroulement :

#SleepForEarth au Centre pénitentiaire d'Alençon-condé-sur-Sarthe s'est déroulé sur deux maisons centrales de l'établissement entre le 9 janvier et le 6 mars 2025
Il y a eu au total 8 séances de deux heures pour chaque quartier, soit 32 heures d'activité.

La première fut la rencontre les personnes inscrites avec Frédéric Deslias et Harmony Suard pour la présentation du projet. Les six séances suivantes ont été permis de réfléchir à l'écrire sonores et de l'enregistrement.

Une restitution immersive a clôturé ce beau projet :

 

 

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Cette action portée par La scène nationale 61 s'inscrit dans le cadre de la convention régionale Culture / Justice, signée par la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Normandie, la Direction Interrégionale des Services Pénitentiaires de Rennes, la Direction Interrégionale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse du Grand-Ouest et la Région Normandie.

Coordination : Ligue de l'enseignement de Normandie & le Service pénitentiaire d'insertion et de probation de l'Orne

Les intervenant.e.s :

Frederic Delias :

Frédéric Délias est metteur en scène, touche à tout, compositeur et artiste numérique. Son travail multimédia s’oriente alors vers les arts prospectifs, numériques ou immersifs, la relation arts-sciences-technologies et la science-fiction. Artiste associé et résident à l’Atelier Arts/Sciences (Grenoble), la Comédie de Reims, la Scène de Recherche de l’ENS Paris-Saclay, La Snat61.

Harmony Suard :

Harmony Suard est à la fois productrice, chargée de production, de projets, d’administration ou encore manageuse de projets artistiques et technicienne régisseuse, et artiste. Elle multiplie les casquettes : autrice-compositrice, interprète, productrice, musicienne, réalisatrice vidéo.

Compagnie le Clair obscur :

Le Clair obscur est un laboratoire artistique permanent dédié aux nouveaux imaginaires. Réuni.e.s autour de Frédéric Deslias, artistes, auteur.e.s, chercheur.se.s, ingénieur.se.s et designer.s conçoivent des représentations au croisement des arts, des sciences et des technologies.

Il s'agit d'un collectif à géométrie variable, créé il y a vingt ans à Caen.

Scène nationale 61 :

La Snat61 est "fabrique de territoires". Tisseur de lien social affirmé, elle va encore plus loin avec ce projet pour déployer la culture au plus près des habitants et proposer du spectacle vivant, des expositions, du cinéma, faire se rencontrer les artistes et les populations grâce aux résidences, créer des espaces d’échanges et de convivialité, de coworking, de rencontres avec les « Cafés connectés » et développer le domaine du digital.

Centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe :

Le Centre pénitentiaire d’Alençon-Condé-sur-Sarthe est situé Rue du Pont Percé à Condé-sur-Sarthe.

 

 

Trois questions à la coordonnatrice de l'action culturelle de la Ligue de l'enseignement Normandie

1) Quelle ont été les retours des personnes détenues participantes ?

Les participants ont beaucoup apprécié cette action. Après chaque projet on leur demande de l’évaluer selon 4 critères principaux : la satisfaction sur l’activité en général ; le lien avec les intervenants ; la capacité à s’être senti à l’aise au sein du groupe ; la satisfaction de ce qu’ils ont réalisé. Ils ont accordé une moyenne 9,5/10, ce qui est vraiment très haut !
Ils ont apprécié la convivialité et bienveillance du cadre d’intervention. Beaucoup soulignent ce bien ressenti d’échanger avec des intervenants extérieurs, « des gens du dehors » qui apportent de la nouveauté et des échanges qui changent.
Ils étaient très fiers de ce qu’ils ont réussi à produire malgré, pour certains, des difficultés avec la langue française notamment. Ils ne s’attendaient pas à un résultat aussi qualitatif. Ils étaient très heureux de l’objet final (le CD) de leur production. Ils déplorent cependant la trop courte durée de ce type d’actions et souhaiteraient pouvoir à nouveau reconduire ce type de projet où ils peuvent s’exprimer et laisser parler leur créativité.
Plusieurs d’entre eux ont souligné le bienfait de ce type d’action à titre personnel, comme par exemple vaincre sa timidité (notamment grâce au groupe bienveillant) et travailler sur l’échange et la prise de parole, associé à l’imagination.

 

2) Avez-vous rencontré des difficultés à le mettre en place ?

Nous savions que c’était un projet ambitieux pour un établissement sécuritaire comme Condé. Dès lors qu’il exige de faire rentrer du matériel informatique (nécessaire à l’enregistrement), cela entraine une rigueur et un contrôle tout particulier : On compte et on fait contrôler les micros, les câbles, les casques, l’enregistreur à chaque entrée et sorties… !
Cela n’a pas été facilité par la période que les actions culturelles ont connu en détention, où il fallait doublé de vigilance sur les objectifs et les activités que nous proposions auprès du public détenu. Les interventions pouvaient parfois être mal perçues par le personnel pénitentiaire qui ne voyait pas les objectifs de réinsertion derrière un tel projet, nous avons dû nous adapté et bien communiqué pour faire comprendre leur plus-value dans un cadre carcéral. Et c’est un défi réussi puisqu’on retrouve des témoignages de personnes détenues participantes qui se sont révélées au sein du collectif, portées par le groupe et les artistes.

3) Quel sens peut prendre la réalisation d’un tel projet auprès de personnes détenues quand on parle d’avenir, de futur ? Avez-vous eu l’impression que les questions d’urgence climatique les touchaient ?

En effet c’est une question qui est souvent revenue lors de nos échanges avec les artistes intervenants. Il nous paraissait très intéressant, pour ce projet précisément d’avoir l’approche artistique de personnes confinées (comme ce que l’on propose aux participants du projet fictif Sleep for Earth, à savoir rentrer en stase pour sauver notre planète).
De plus, on se questionne souvent sur la capacité de personnes incarcérées pour de longues peines à se projeter sur un futur, parfois lointain, dans un monde en mutation.
Il a été très intéressant pour nous, qui faisons le lien entre l’extérieur et l’intérieur d’avoir ces échanges là avec les participants. C’est là qu’on se rend compte que l’imaginaire est parfois la réelle liberté qu’il reste en détention, et il devient alors un outil nécessaire pour envisager des possibilités de réinsertion et pour construire une vision positive de leur futur.
Concernant la question écologique, beaucoup y sont très sensibles. Régulièrement les participants ont fait part de leur inquiétude sur le sujet, et du monde qu’on pouvait laisser aux générations qui nous succèderont (leurs enfants, petits enfants…). Ce projet a permis aussi de s’investir, d’une certaine manière, au côté de la société pour proposer des pistes de réflexions sur les bons comportements à adopter pour sauver notre planète, en exposant parfois aussi des scénarios dramatiques si l’on ne prenait pas plus en considération l’urgence climatique. Quelques-uns d’entre eux ont affirmé se sentir prêts à participer au projet Sleep for Earth s’il était proposé pour de vrai en vue de permettre à la planète de se régénérer !

 

 

 

Sleep for earth