« Les mots stom sel »
Au mois de juin 2022, l’artiste Marianne Mispelaëre a conçu et mené, sur invitation de la Maison des arts de Grand-Quevilly et auprès du SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation) de Rouen, un atelier intitulé « Les mots stom sel ».
Les participants, dont certains effectuaient une peine de travail d'intérêt général, ont été invités à questionner le langage et les différents alphabets.
A l’issue d’une rencontre avec le travail de Marianne Mispelaëre puis d’une exploration des typographies et des écritures, chacun·e a inventé sa propre typographie.
Des affiches ont enfin été réalisées à partir de ces nouvelles formes de lettre. Une visite du CESI (école d'ingénieurs à Saint-Etienne du Rouvray) a été organisée. Durant cette visite les personnes ont découvert un fab lab et ont réalisé des pochoirs.
Cet atelier a été réalisé avec la participation enthousiaste et créative de Christophe, Decebadie, Dilan, Manon, Mariammou, Maude et Mohamed.
Ces affiches imprimées en grand format ont été visibles régulièrement dans l’espace public. Après un premier temps d’affichage fin août 2022, elles ont été présentes dans les rues de Grand-Quevilly sur 18 panneaux Decaux répartis sur toute la municipalité et visibles du 5 au 18 décembre 2022.
Elles ont également été présentées à la Maison Saint-Sever de Rouen lors d'une exposition en novembre 2023.
En 2021, l’artothèque de Grand Quevilly a acquis une pièce de l’artiste issue de la série MANTRA, typographie réalisée en 2018 et
déployée en série pendant le confinement.
Partant de ces acquisitions, l’invitation adressée à Marianne Mispelaëre par la Maison des arts + artothèque s’inscrit dans la double volonté de lier les axes de développement de l’artothèque, portant notamment sur le langage, au souci de s’adresser à des publics dont la parole et les mots sont généralement invisibilisés voire confisqués.
L’atelier proposé par l’artiste consiste notamment à redonner corps à certaines paroles et mots en les réinscrivant dans l’espace public, inscription qui reste cependant furtive à dessein.
Marianne Mispelaëre
Diplômée de l’ESAL d’Épinal depuis 2009 et de la HEAR de Strasbourg depuis 2012, Marianne Mispelaëre travaille et expose en France
et à l’étranger, récemment au Palais de Tokyo (Paris), au CND Centre National de la Danse (Pantin), à la galerie Salle Principale (Paris), au Magasin des Horizons (Grenoble), à la Fondation Art Encounters (Timisoara).
Son travail a été nominé au prix LEAP – Luxembourg Encouragement for Artists Prize (Luxembourg, 2018), et au prix AWARE –Archives of Women Artists, Research and Exhibitions par Hélène Guenin (Paris, 2018). Elle a obtenu le Grand Prix du Salon de Montrouge 2017, donnant lieu à une exposition personnelle au Palais de Tokyo en 2018, « On vit qu’il n’y avait plus rien à voir ». Marianne Mispelaëre agit au sein de Panorama des alternatives concrètes depuis 2020.
Elle a co-fondé et a co-dirigé la maison d’édition PÉTROLE Éditions et la transrevue TALWEG entre 2013 et 2018. Elle écrit en qualité d’auteure au sein de différents contextes.
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3 questions à Marie-Laure Lapereyre, Directrice de la Maison des arts/Artothèque Agnès Varda (Le Grand-Quevilly):
1 / Comment est né ce projet ?
Ce projet est né de la rencontre tout d'abord avec Decebadie Gomis, référente territoriale du travail d’intérêt général (TIG) auprès du SPIP de Rouen, lors d'une matinée organisée par la mission Culture justice de Normandie Livre et Lecture en partenariat avec la DRAC, la région Normandie, la ville de Rouen et le Ministère de la Justice permettant services de justice (SPIP, Maison d'arrêt, etc.) et aux différents structures culturelles du territoire de se rencontrer.
Nous avons très vite eu envie de porter un projet ensemble. Puis de nos échanges, l'idée d'inviter l'artiste Marianne Mispelaëre dont la pratique s'attache avant tout à ce qu'elle nomme les « zones de contact », c'est-à-dire les « rencontres, échanges, transmissions, collaborations, emprunts, négociations, affrontements » et où, via le dessin et la production de gestes, elle explore ce qui se passe « entre nous, en nous, tout au long de l’infinie tâche politique qu’est le côtoiement. »
Et, d'un premier échange avec Marianne à propos de cette invitation, nous avons très vite envisagée une proposition qui consistait à redonner une place dans l'espace public à la voix de ces participant·es, sous mains de justice, trop souvent rendue inaudible ou réduite au silence.
2/ Comment s’est passé l’accueil des personnes suivies par le Spip de Seine-Maritime à l’artothèque/Maison des arts ?
Le groupe était très enthousiaste et impliqué dans le projet.
Deux visites hors des locaux du SPIP ont été organisées, l'une à la Maison des arts, artothèque et médiathèque et la seconde auprès du CESI (école d'ingénieurs à Mont-Saint-Aignan) pour la réalisation des pochoirs à partir des dessins des participant·es.
Pour la visite à la Maison des arts, ils se sont assez facilement emparés du lieu. Le fait d'avoir côtoyés Marianne sur plusieurs jours avant la visite a sûrement facilité un certain sentiment de légitimité.
3/Que retirez-vous de cette expérience ?
La qualité de la rencontre entre l'artiste et les participant·es, le lien qui est venu se nouer, les déplacements que chacun et chacune ont opéré, même s'ils furent infimes.
L'envie de continuer à activer ces rencontres entre artistes et publics éloignés de l'art. Une phrase célèbre de Robert Filiou (un des artistes majeurs du mouvement Fluxus dans les années 1960) précise que « l'art c'est ce qui rend la vie plus intéressante que l'art », c'est-à-dire que les artistes ne créent pas dans le seul but de créer mais parce que ce processus créatif s'inscrit dans un processus qui englobe le vivant, la vie, les relations... Et pour reprendre les mots de Marianne Mispelaëre, « l'art est un outils pour mieux vivre ».
Et nous travaillons à activer cet outils afin qu'il s'adresse à tous et à toutes, sans distinction !