Présentation du projet :

Entre philosophie et graphisme, l’association une pierre à l’édifice a proposé un travail de réflexion autour de la Première Guerre mondiale. 

À la maison d'arrêt de Coutances, Simon Douchy, graphiste, est venu présenter le travail artistique de René Apallec et Otto Dix, entre autres, sur les gueules cassées. L’occasion de parler de ces hommes qui ont tout perdu jusqu’à leur visage, et qui doivent se reconstruire pour continuer à vivre. L’écho thématique avec les vies des personnes détenues a été flagrant. Les œuvres réalisées dans le cadre de cet atelier ont été exposées à la médiathèque de Coutances. 

En parallèle, Julien Danlos, docteur en philosophie, a abordé sur six séances, les notions de doctrines, d’éthique, de philosophie de la guerre autour d’une question centrale : Pensez-vous que la guerre puisse être juste ?

La structure culturelle :

L’association Une Pierre à l’Édifice a pour but de contribuer à l’égal accès de toutes et tous à l’éducation, à la formation et à la connaissance, aux côtés ou en complémentarité du service public. Son objet est la réalisation d’actions de formation, d’interventions éducatives et culturelles ainsi que l’accompagnement méthodologique, réflexif, de travaux théoriques, de projets sociaux, éducatifs, culturels, solidaires, participatifs. L’association travaille régulièrement en établissement pénitentiaire.

Le lieu d’accueil :

La Maison d’arrêt de Coutances est située 3 rue de la Verjusière à Coutances.
Elle est constituée d’un quartier hommes de 48 places.

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3 questions à … :

Julien Danlos, docteur en philosophe et Simon Douchy, graphiste

1/ Pourquoi avez-vous choisi de travailler sur ce thème des gueules cassées ?

JD : Nous cherchions à articuler le thème de l’année, la Grande Guerre, avec une proposition susceptible d’interpeller le public en détention. Le sujet des gueules cassées nous a semblé intéressants à plusieurs titres : historiquement, graphiquement et comme métaphore des destins qu’on rencontre en prison.

SD : Lorsque la thématique a été proposée nous nous sommes penchés sur les productions artistiques issues de la Grande Guerre, notamment les peintures d’Otto Dix et sa série sur les gueules cassées, puis sur les travaux d’un artiste moins connu René Apallec et sa technique de découpage de portraits.

Celle-ci convenait parfaitement à la forme de nos interventions : facile à mettre en œuvre et permettant à chaque participant de s’exprimer de manière décomplexée, la technique ne nécessitant aucun pré requis artistique. L’idée étant pour moi d’ouvrir une porte sur les territoires de l’expression plastique. 

2/ Les participants ont-ils fait un rapport entre ce thème et leur parcours de vie ?

JD : Lors des ateliers philo, je n’ai pas verbalisé cette métaphore, mais nul doute que les participants avaient fait le lien lors des ateliers d’expression graphique.

SD : Oui je le suppose, l’acte de découper son propre visage pour le reconstituer à sa manière, en traçant ses cicatrices et ses déformations, a forcément favorisé une introspection chez les participants. Je n’ai en revanche pas posé directement la question, l’exercice se suffisant à lui-même. 

Mais quelque chose d’intense et de vrai s’est produit, la satisfaction d’avoir accompli une œuvre, la sienne, en témoigne l’attachement de certains à leur production, le silence lors des ateliers, la concentration de tous et l’absence de jugement des uns envers les autres sur leur production. J’ai moi-même fait mon propre portrait. 

3/ Que retenez-vous de cette expérience ?

JD : Aborder la Guerre 14-18 et plus globalement la thématique de la guerre à travers le sujet des gueules cassées nous a fait prendre conscience de l’intérêt des détenus pour l’Histoire vue à hauteur d’homme, à hauteur de destin individuel. C’est une idée sur laquelle nous nous sommes appuyés par la suite pour proposer de nouveaux cycles d’intervention.

SD : À la vue de tous les visages réalisés exposés à la médiathèque de Coutances, je me suis dit que grâce à cet atelier et en peu de temps, nous avions probablement échangé bien plus que des mots, nous avions partagé des bouts de vies des morceaux de nous. Artistiquement et humainement cela restera un des moments forts de ma vie. 

Les gueules cassées